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Laure Molina

Méditation en perspective

Updated: 3 days ago

Partage d’expériences ; Passage de niveaux ; Zoom sensible ; Exploration sensitive et mémorielle : La méditation


Laure Molina meditating

Introduction à la nécéssité de méditation


Partout autour de la planète, l’homme creuse des trous ! Mais pourquoi s’enterre-t-il, me demanderez-vous ? Si les humains s’enfoncent, dans les entrailles de la Terre, c’est pour mieux trouver le liquide noir, les gaz et les minéraux. C'est ce qui servira de base énergétique à la société qu'il construit. L’objectif, c’est d'amasser des matières premières en vue de leur transformation et de pourvoir aux besoins des sociétés de la manière dont les dirigeants l'ont décidée. C’est devenu un besoin essentiel que de se reposer sur ces couches profondes qui peuplent la superficie de la Terre. L’homme a-t-il toujours creusé ? Alors que les premiers puits de pétrole en Amérique datent du milieu du xixe siècle, les Chinois ont détrôné les Américains, en programmant depuis des millénaires les captages d’eau souterraine en creusant des puits, dont l’initiative première revient à l’Égypte, à l’époque des pharaons. C’est avec les premières civilisations que le déroulement de l’histoire a évolué du liquide transparent à l’or noir, en passant par différents états gazeux invisibles et différents minéraux qui serviront de constituants pour tous les objets du monde. Toute matière est étudiée, propre à être transmutée. Une chose est certaine, avec l’homme blanc, il y a toujours extraction, manipulation, contrôle, en vue de l’exploitation des matières premières. Sa progression est extérieure. Il envahit tellement que la nature n’est jamais tranquille. L’homme est le seul animal qui ne s’adapte pas, et grâce à la flexibilité de sa main et de ses cinq doigts, il façonne et construit pour lui et son espèce, aux dépens des éléments extérieurs qui l’entourent. Ce sont pour toutes ces raisons que l’homme, petit à petit, s’enfonce dans la croûte où repose la vie…

Quand un être du monde microscopique, un virus par exemple, comme celui responsable de la pandémie récente, nommé coronavirus, surgit et se répand, il arrive à ébranler toute la structure des activités qui occupent la direction des presque 8 milliards que nous sommes : économie et politique sont heurtées. En pénétrant au fond des organismes vivants qui ne sont pas le sien, il y a création d’une situation épidémique. Cet être minuscule influence à grande échelle et arrive à créer des vagues d’émotion. Il révèle les différents niveaux de conscience, créant des comportements surprenants, ponctués de réactions diverses. Si on change de dimension, n’y a-t-il pas un rapprochement qui s’impose ? À l’échelle terrienne, l’homme serait-il un autre type de virus ?

La période qui a succédé à la pandémie a accentué ce mal-être d’origine microscopique. Les études nationales [1] évoquent la période des confinements et surtout post-Covid comme ayant apporté à 66 % de la population adulte des troubles du sommeil, et 20 % des états dépressifs ; ce chiffre augmente chez les plus jeunes et les femmes. Les cas de dépression ont doublé par rapport à 2019. Tel un geyser, de grandes gerbes d’énergie peu plaisantes ont surgi du sol pour toucher la conscience de nombreuses personnes. Beaucoup se sont approprié ces vagues d’énergie, traduites par des émotions les plus diverses, transformant leur mental en machine à gaz, le répercutant sur le corps. Pendant qu’à l’international, les guerres éclatent de partout, l'inflation régit. Un mal-être général s’est installé, chacun se l’appropriant à sa manière, parfois pour sombrer dans le passé. Les mémoires ressurgissent, telles des déferlantes, les cerveaux réagissent, sortent de leur fondation, pendant qu’en politique, la priorité semble toujours portée à accentuer les divisions. Certains pourront objecter à ceux qui évoquent toujours la blessure ceci : pourquoi faire l’éloge de ce qui est sombre, quand ce qui va existe aussi. Forcément, sur les 8 milliards que nous sommes, les personnes heureuses existent. Les mondes construits par l’humain recèlent quelques trésors et rendent la vie parfois plus simple que celle issue d’un milieu naturel sans structure construite. Le tout vivant peut être envahissant, dominant, il est question de trouver sa place, voire se la forger. L’ensemble évolue dans un jeu d’équilibre entre divers éléments qui créera le futur, dans une permanente instabilité présente et évoluant. L’introduction des difficultés de notre période est un prétexte pour évoquer un outil puissant, qui permet lui aussi de creuser, mais d’une autre manière que l’industrie : la méditation.

La méditation est peut-être le travail le plus important à effectuer sur Terre. Cet article va vous en partager les raisons.


Les différentes pratiques de méditation


La méditation relève d'une organisation, d'une discipline rigoureuse, d’un outillage, autant mental qu’émotionnel et physique, qui a besoin de quelques compétences : l’attention serait le microscope, la concentration l’étau, la volonté deviendrait la perceuse, le corps et la structure cellulaire l’objet à façonner. Ici, l’objectif est d’atteindre un niveau de perception seulement accessible à celui qui prend le temps d’observer les mouvements intérieurs qui l’habitent. Dans le monde d'aujourd'hui, qui prend le temps de comprendre sa substance, de prendre conscience de sa machinerie ? De nos jours, c’est avec le cerveau bien occupé que nous vivons la réalité quotidienne, chargée de nos obligations et de nos relations sociales, économiques, parfois politiques et administratives. Pour l'espace cellulaire cérébral, il s’agit toujours d’interactions, de projections, de protections et de différentes formulations et hypothèses, etc. Ces transmissions et ces calculs créent la réalité dans laquelle nous vivons. Cette dernière serait-elle un objet modulable de notre perception ? L’ensemble se pratique de manière automatique, souvent inconsciente. C’est un acquis que de voir, d’entendre et de percevoir la réalité, et peu remettent en question ces états machinaux, encore moins les célèbrent. La méditation dans cette dynamique fait office de disruption. Elle se pratique assise. La personne méditant arrête d’agir et observe les mouvements en elle, remettant ainsi en question un fonctionnement jusque-là inconscient et – on l’a vu – acquis. Pour la décrire, Krishnamurti introduit son ouvrage La révolution du silence par ses mots : « La méditation n'est pas une évasion. Ce n'est pas une activité qui vous isole et vous enferme en vous-même, c'est plutôt une compréhension du monde et de ses évolutions. Le monde a peu à offrir en dehors d'aliments, de vêtements, d'abris, et de plaisirs doublés de chagrins... L'amour n'est pas plaisir, mais le départ d'une action qui ne provient ni d'une tension d'esprit, ni d'une contradiction, ni de la vanité du pouvoir. »

La méditation est une pratique qui comporte différentes approches, souvent d’origine asiatique où il est plus commun de se retirer dans le silence, peu importe l'âge, la profession, le statut social. Différentes structures parfois bénévoles permettent ce qu'on appelle généralement des retraites méditatives. Les cinq cultures les plus connues, valorisant la méditation, sont au Japon la culture zen, en Inde la culture hindoue, le bouddha présent dans presque tous les pays asiatiques, la culture jaïniste et la culture taoïste. Hors d'Asie, il y a quelques représentations dans la religion chrétienne qui exposent des saints en prière profonde et qui peuvent être considérées comme des méditations, plus particulièrement dans l'iconographie orthodoxe.

Enfin, dans l'islam, la tradition soufie met l'accent sur la méditation et la contemplation. On peut trouver de nombreuses représentations de soufis en position de méditation ou en dhikr (récitation spirituelle).


Ce qu’on appelle généralement « retraite » peut intervenir à tout moment de la vie, sans attendre la soixantaine. La méditation permet de prendre du recul par rapport à toutes les activités du monde et de tourner son regard vers l’intérieur de son corps. C'est une manière de valoriser le potentiel humain, souvent peu exploité en comparaison de l'évolution technologique et matérielle. La vidéo Méditation [2] qui représente un guide dans mon travail artistique met en valeur ce fait, exposant une jeune femme en train de méditer, son corps pris parfois d’impulsions, ses yeux s’ouvrant, tournés tellement vers l’intérieur que la pupille et l’iris ne sont plus visibles – seule la sclérotique apparaît. La pratique de méditation Vipassana s’inscrit dans la neutralité au niveau de son positionnement religieux et philosophique. Il y a d’autres pratiques qu’on appelle la méditation pleine conscience, la méditation transcendantale, qui consistent en la répétition de mantras, ainsi que de nombreuses techniques enseignées par des coachs en tout genre, très tendance ces dernières années, comme la technique de José Silva. Des personnes comme Vishen Lakhiani, entrepreneur et fondateur de Mindvalley, se basent sur la méditation pour transformer tout problème en projet, ses méditations s’accompagnant de fréquences émises, alpha et thêta. L’enseignement se fait en ligne.


Focus sur la pratique de méditation Vipassana


Cet essai propose un focus particulier sur la technique Vipassana, qui s’apprend dans des centres gérés par des bénévoles ; son apprentissage est gratuit, avec possibilité de faire des dons, selon la bonne volonté de chacun. Pour résumer cette technique qui s’enseigne durant des retraites de 10 jours en silence total, les deux premiers jours sont occupés à se concentrer sur la petite zone de notre corps située entre les narines et le dessus des lèvres. Ils servent à aiguiser l’esprit, le rendre attentif et accentuer sa sensibilité jusqu’à sentir ce qui se passe dans cette zone corporelle d’à peine deux centimètres. Bien sûr l’esprit se balade, pense à tout et nous mène dans une déambulation mentale, tout aussi intéressante à observer. Il s’agit toujours de revenir à l’attention portée vers la zone en dessous des narines. Après ces deux jours, la technique Vipassana nous invite à porter notre attention sur l’ensemble du corps, à en scanner chaque partie, l’une après l’autre, de la tête aux pieds. Au fil des jours, ce qui nous paraît une masse informe et opaque se décontracte peu à peu, des zones de sensations subtiles apparaissent, on peut même sentir des vibrations et le flux d’énergie. L’enjeu, comme il est répété tous les jours par l’enregistrement vocal qui dispense l’enseignement de la méditation Vipassana, est de garder l’équanimité face à tout ce que le méditant pourra rencontrer et observer.



This visual belong to the video called "Meditation" created by Laure Molina in 2004

extrait ci-dessus et ci-dessous de la vidéo Méditation 2004 - statuée comme guide dans le travail



same that previous visual : Laure Molina is meditating

L'équanimité


L’équanimité est un terme très peu usité en Occident, souvent remplacé par l’ataraxie, concept avancé dès l’Antiquité, la première fois par Démocrite. Les épicuriens et les stoïciens en font ensuite la source du bonheur. Dans une lettre à Ménécée, Épicure écrit : « Quand nous disons que le plaisir est notre but, nous n'entendons pas par-là les plaisirs des débauchés ni ceux qui se rattachent à la jouissance matérielle, ainsi que le disent ceux qui ignorent notre doctrine, ou qui sont en désaccord avec elle, ou qui l'interprètent dans un mauvais sens. Le plaisir que nous avons en vue est caractérisé par l'absence de souffrance corporelle et de troubles de l'âme. » [3] « Équanimité » dans son étymologie latine  « æquanimitas » signifie « sentiments bienveillants ; égalité d’âme ». Dans le contexte de la méditation Vipassana, l’équanimité traduit un détachement, une approche neutre et sereine des différentes sensations et des vibrations que la pratique de la méditation va révéler. Il est effectivement très difficile d’approcher certaines mémoires, particulièrement si elles sont traumatisantes, le cerveau, le mental les aura en effet enfouies, bien profondément. Un souvenir de violence lié à l’enfance, un abus physique, le monde et l’histoire sont malheureusement peuplés de ces faits laissant des traces en nous, créant une réalité plombée. Le cerveau émet le signal d’enfouir, il se protège ainsi des intensités trop fortes de douleur, la méditation lui propose comme un nettoyage. L'équanimité positionnée comme caractéristique incontournable va permettre une approche neutre, sur une zone que le cerveau, si on le laisse sans direction, voudra enterrer. C’est un choix à effectuer en conscience, mais si la mémoire n’est pas revisitée, elle gardera son influence sur la réalité, très souvent plombée ou en dessous de celle souhaitée. Car l’enchaînement, une fois identifié, n’est pas si compliqué : une expérience est vécue, une mémoire sera stockée, avec sa vibration émotionnelle associée, et transmettra au cerveau dans un temps difficilement définissable qui donnera l’ordre d’une action (transmission consciente ou inconsciente) entrant en résonance avec une réalité, ainsi créée, tout du moins influencée. Si vous êtes confronté à un problème de santé, à un blocage, la méditation va permettre de le percevoir à sa base, c’est-à-dire l’émission d’une vibration correspondante à une mémoire x, y, z, elle-même en liaison avec un événement x, y, z. La méditation exposera à la conscience cet enchaînement de causes à effet. Il faudra beaucoup de rigueur et comme on l’a vu aussi de neutralité, pour atteindre l’objectif, résoudre le fond du problème, pour qu’il disparaisse. À ce niveau, le physique devient énergie, le blocage est obstruction, manque de fluidité.


Energie


Le concept d’énergie prend son origine dès l’Antiquité, son usage dans la langue grecque « energeia » signifie « force en puissance ». Celle-là même dont l’homme fait preuve pour transporter, soulever, tirer. La force des animaux dont il va faire usage est de même nature : énergie qui se retrouve aussi dans les matériaux terrestres qu’il va exploiter, base du monde construit, celui dont nous profitons tous aujourd’hui. Chaque physicien vous le dira, le monde est énergie. Ici, il y a pont entre méditation, physique et biologie, qui les relie au monde microscopique. L’objectif scientifique noble souvent déclaré est la connaissance, pour le bien commun ; pour cela, on va classifier, calculer, répertorier, commercialiser jusqu’à l’exploitation, voire la reproduction.


Avec la récente épidémie, on peut ajouter la fonction scientifique d’intégration et de détournement des fonctions, comme on pratique dans l’art depuis près d’un siècle. Le reste des humains ne prête en général aucune attention au monde microscopique qui pourtant l’habite. La seule discipline attachée à ce niveau du vivant est celle des scientifiques. Le méditant peut donc être perçu comme une catégorie médiane, qui s’attache à l’observation, mais détourne les fonctions d’exploitation et de reproduction pour des facteurs tournés vers l’harmonie, la fluidité de soi…, avec la grande direction qui reste la même : la connaissance de soi. L’outil est aussi le même que pour l’observation, par un microscope quand il s’agit de la science, par le mental quand il s’agit d’un méditant. Quand la direction du travail scientifique est la connaissance pour la sphère pharmaceutique, technologique, militaire, celle de la méditation est l’amélioration de l’identité humaine dans toutes ses dimensions, en vue de son bien-être.


L'amour


La méditation peut être perçue comme une approche, angle amoureux qui viendrait s’attacher à ce monde qui n’est pas visible à l’œil nu, celui des cellules, des molécules, des atomes et autres bactéries que la science arrive à fixer, à reproduire pour leur donner de nouvelles fonctions. À quel type de connaissance arrive-t-on quand la méthode consiste à fixer un monde en mouvement, dompter, domestiquer une nature que l’on ne comprend pas complètement ? Avec la méditation, il n’y a pas d’exploitation, encore moins de maître, il s’agit d’apprendre à collaborer pour sentir, pour comprendre et donc aimer ce qui nous habite dans ses dimensions les plus petites. En effet, si la pratique de Vipassana est liée à l’observation de la zone de la narine les deux premiers jours, au scan de l’ensemble du corps pendant les sept jours suivants, l’apprentissage de la technique se termine par l’émission de l’amour.


Visual of Video "Bio" created by Laure Molina and Eric Wenger in 2018

Extrait vidéo "Bio" 2018



La solution proposée par la méditation Vipassana, si, dans l’exploration de son corps, on rencontre un blocage, est de respirer dans la zone identifiée et d’envoyer de l’amour. La méditation fait de l’amour une force résolvante, une force fluide. L’amour est la solution principale de la méditation Vipassana qui va agir comme une crème finale pour résoudre le problème identifié. Mettons un bémol dans cette mélodie méditative : cet outil qu’est la méditation demande beaucoup de rigueur et sûrement beaucoup d’apprentissages, dans un univers où le véritable ennemi peut être soi-même. Il faut être attentif et prudent, surtout au début où il est difficile de distinguer des limites, d’émettre des certitudes. Il faut être conscient que l’égo souhaitera prendre de nombreux chemins pour s’y perdre et nous mener dans l’impasse. Car une des voies de la méditation, c’est aussi d’approfondir, d’éplucher l’égo dans toutes ses strates. L’affirmation d’Amma, célèbre pour prendre des milliers de personnes dans ses bras sans repos, peut être révélatrice : « Pour vivre dans le monde, l’humain a besoin de l’égo, mais pour pénétrer dans le cœur de la vie, il devra s’en défaire. »


Volonté, discipline, création de réalité


Une forte volonté pourra seule remettre en question l’idée de soi, sinon, je le répète, les pistes bouchées et sans issue peuvent être très nombreuses. La porte s’ouvre, la dimension avec elle se déroule dans le champ de notre conscience. Le pouvoir de la distraction est sans cesse présent, encore plus celui de la prétention. L’esprit peut extrapoler une mémoire, s’imaginer une fiction, rentrer dans un labyrinthe. Il n’y a aucune limite dans l’exploration des mémoires, et les stops et les sens interdits pourront être franchis impunément. Il est commun de voir un méditant se vanter d’avoir été, dans une autre vie, un puissant chef d’État, un célèbre artiste, ou de s’imaginer les réalités les plus noires et d’y rester bloquer. L’expertise occidentale à ce niveau est tellement moindre, l’égo prédateur tellement important, que les sinusoïdes peuvent être nombreuses et perturbantes, les limites bloquantes, si on ne se remet pas en question ; l’idée de soi s’empare des bienfaits rendus obsolètes. La clé est l’équanimité, et la méditation est néanmoins un outil puissant pour celui qui fait preuve d’une forte volonté, fixée sur la compréhension équanime de toutes les interactions vitales qui nous habitent. Le méditant découvre l’ensemble du relationnel qui le compose, le lien entre sensations, vibrations elles-mêmes cohabitant avec les cellules, les molécules, les atomes et tous les niveaux et les strates que nous connaissons encore très mal. Les principes fondateurs de la méditation sont la respiration et l’observation, tel un microscope. Le cerveau peut faire un zoom sur le monde minuscule qui nous habite et révéler les mémoires qui nous habitent, souvent responsables des dépressions en tout genre. La méditation, l’observation, le zoom cellulaire, ne sont pas un produit miracle, ils demandent beaucoup d’attention, de persévérance. Sur du moyen ou du long terme, votre esprit s’aiguisera, et vous pourrez comprendre tout ce que j’ai cité précédemment, l’enchaînement du plus subtil qui se produit en vous, de la sensation, de la vibration, qui se cache derrière chaque émotion et chaque mémoire, et de leurs interactions cérébrales, puis viennent l’idée, la réaction, la décision et la création de la réalité. Si nous vivons une réalité qui ne nous convient pas, il est bon de se rendre compte de l’ensemble pour le démanteler, créer la base d’actions que nous souhaitons, qui nous conviennent. Surtout au début, en plus de garder l’équanimité, il est bon de garder un positionnement d’amusement comme le propose Jeffrey Allen, célèbre coach méditatif et conférencier. Certaines mémoires amassées et leurs vibrations correspondantes sont parfois très néfastes. Il est très dur d’y revenir, de demander au cerveau de les observer. Le cerveau vous proposera de vous diriger ailleurs que vers la zone mise en quarantaine. Là commence la volonté, celle de prendre son cerveau par la main, de le rassurer, et de revisiter ce qui a été enfoui. Celui qui se dirige vers la méditation se verra confronté à un choix. Mais si les vilaines mémoires ne sont pas identifiées, alors il sera difficile de vivre une vie autre que plombée, dans tous les cas en dessous de nos attentes. La méditation permet de vivre pleinement en toute conscience les différents voiles et couches qui habitent chaque mouvement et chaque décision prise ; à ce niveau, souvent après des années de pratique, la découverte que nous sommes en perpétuel mensonge avec nous-mêmes peut être frappante. Rien de grave si l’on fait de la vérité un concept modulable. Mais là est une autre problématique, si l’on revient à ce qui a été dit précédemment. La question importante est de savoir combien de personnes vivent leur vie au niveau de leurs attentes et ambitions. 


Culture Amérindienne


Si on porte notre regard vers d’autres régions géographiques, on trouve une résonance de Vipassana avec les cultures amérindiennes. Les médecins de ces cultures natives, qu’on appelle souvent chamans, identifient chaque patient à partir de plusieurs corps. Je vous invite à lire le livre de Mircea Eliade sur le sujet : Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase [4]. Le partage de mes recherches, à la suite de mon séjour pendant sept années sur les terres amérindiennes, est le suivant : loin d’être exhaustive et modulable en fonction du niveau de conscience de chaque chaman, la médecine native amérindienne s’attache à 7 niveaux corporels, parfois 4. Il y a le niveau physique, que nous connaissons en Occident, le corps émotionnel, le corps mental, le spirituel, etc. Le corps émotionnel est ancré au corps physique, son habitat serait une vibration minuscule, dont l’expression se traduirait par une sensation imbriquée au corps mental qui donne la nature de ce que l’on appelle généralement « émotion ». Pour l’esprit amérindien, chaque vibration émotionnelle, liée à une mémoire, serait un serpent dans une autre dimension, de plan et d’échelle. C’est à partir de ce point de vue que doit être envisagé le fameux quetzalcóatl, souvent traduit comme le serpent à plumes, qui trouve aussi son pendant dans la culture maya, Kukulkan. Que ce soit pour l’Aztèque, le Maya ou le Toltèque, le serpent à plumes se définit comme une représentation de l’évolution de la force primaire vers l’univers, dimension considérée comme supérieure qui se nourrirait de la force primaire. Je tiens cette interprétation d’un détenteur des clefs de la culture maya, Hunbatz Men, auteur très important, décédé récemment, à lire absolument pour celui qui cherche à comprendre une des plus importantes cultures de l’Amérique centrale [5]. Il faut le préciser, car du fait d’auteurs occidentaux, le serpent à plumes s’est retrouvé divinisé, alors que la perception native amérindienne en ferait une force naturelle, primaire, que l’on ne peut éradiquer.



Quetzacoalt picture created with IA - traditional healing from Mayan Culture

L’objectif pour le chaman, le médecin amérindien, est de faire évoluer cette force primaire vers un plan supérieur (là encore, les mots occidentaux font défaut pour définir le plan vers lequel le chaman enverra la force primaire). Le serpent à plumes représenterait cette force émotionnelle primaire, terrestre qui prend son envol vers le haut. Il n’est pas surprenant qu’Hunbatz Men évoque la force de Kukulkan comme mesure et mouvement. Certains chamans évoquent même que la force primaire serait la nourriture d’une entité qui échappe à la connaissance de l’humain, que l’on peut personnifier comme l’univers. Le tout est que dans les cultures d’Amérique centrale, aztèque, maya et toltèque, la force primaire est émotionnelle, perçue comme sombre, parfois néfaste, l’origine possible de la maladie, si on laisse la vibration se nouer, se relier à d’autres. En effet, si la force émotionnelle n’est pas dirigée vers le haut pour être transcendée, elle se reproduit, se noue, sous la multiplication des serpents. L’action du chaman, le docteur amérindien, pour guérir, envisage cette dimension émotionnelle, et émet un son, comme un souffle sifflant, afin de pénétrer la force primaire, inciter le serpent à se diriger vers un plan plus subtil. Le point de vue du chaman privilégie la transformation et non la reproduction, afin d’éviter qu’elle ne descende dans le corps physique. Là s’arrête le pouvoir des mots de notre langue dictée par les institutions, car cette notion de niveaux supérieurs et inférieurs n’a pas de réelle existence dans l’esprit amérindien. Il est intéressant de noter qu’à une certaine époque, ce principe du serpent associé à la médecine a eu une résonance dans notre culture. En effet, le symbole de médecine, tel qu’il s’affiche parfois sur certaines pharmacies, apparaît comme deux serpents enroulés, ascensionnant vers le haut. J’ai entendu dire que ce symbole premier de la médecine occidentale symbolisait une sorte d’ADN, sans savoir si le rapprochement était exact. Le serpent a néanmoins une présence et un impact très ancien qui se multiplie selon les cultures.


 Medical traditional symbol with two snakes
Symbole médecine - que l'on peut trouver dans certaines pharmacies

Dans la vidéo Méditation, premier guide de mon travail artistique, quand le corps est pris de compulsion, on pourrait imaginer une vibration serpentine, sortie du corps pour se dérouler. L’intérêt est de voir le changement d’échelle et de mesures qui se pratique par le chamanisme autant que dans la méditation. La vibration minuscule, presque infime, une fois identifiée par le mental qui lui demande de retourner là où elle servira, vers un plan plus subtil, est le lieu où le serpent à plumes apparaît. Il peut être horrifiant, voire impossible, pour l’esprit occidental de s’imaginer qu’une maladie peut être perçue dans le corps émotionnel, comme un nœud de serpents, un trop-plein d’émotions qui se seraient reproduites, mélangées sans contrôle ni maîtrise, encore moins en connaissance de cause.


Science et Culture Amérindienne


L’esprit occidental bloque sur cette thèse qu’il jugera mystique, voire irrationnelle. Néanmoins, il est intéressant de noter que cette réalité vibrante a rapproché certains scientifiques occidentaux des chamans amérindiens, afin d’avoir des réponses, des pistes sur ce qu’ils découvrent dans leurs recherches. Notre siècle célèbre cette rencontre entre deux pôles, jusque-là inconciliables, chaque pôle étant jugé irrationnel par l’autre. Une question intéressante surgit, avec une limite peut-être à explorer sinon à repousser, celle de la raison. Cette dernière appartient-elle vraiment à la science ? Est-elle la réelle caractéristique de la Renaissance ? Notre évolution portée sur la disparition de nombreuses espèces du vivant, la création d’armes nucléaires, les déséquilibres en tout genre, dont le changement climatique est le symptôme, peut-elle être considérée comme raisonnable ? Avons-nous raison d’être toujours portés vers la croissance économique, quand tout ce qui est autour lance des signaux qui ne sont plus invisibles ? Dans tous les cas, le fait que le chaman rencontre le scientifique est, de mon point de vue, la signature la plus puissante de ce début de millénaire. L’un est né dans ce monde où il acquiert des compétences par la transmission, l’extase, et les différentes pratiques de l’intuition, voire de la superstition. Quant à l’autre pôle, celui de l’interrogation scientifique, il a accès au monde vibrant du fait d’une technologie de pointe ; quand les "hommes médecins" eux l’avancent depuis des siècles, l’homme blanc construit des machines, qui peuvent mesurer jusqu’à 26 km de long, circonférence de la machine du CERN, installée dans un tunnel circulaire à la frontière suisse. Quant aux Amérindiens, ils n’ont pas besoin de technologie pour évoquer ce monde vibrant émotionnel. La question serait alors : pourquoi le sentent-ils ? Quel critère de leur culture leur permet d’avoir accès à tous ces niveaux de conscience ? À noter que les mots ici sont limités, tant notre propre culture occidentale, notre éducation, n’approche pas ce type de problématique et de sujet. Il est intéressant de noter le questionnement d’une personnalité comme Erwin Schrödinger : « Chacun de nos organes des sens, étant composé eux-mêmes d'atomes innombrables, est beaucoup trop peu sensible pour être affecté par l'impact d'un seul atome. Nous ne pouvons ni voir, ni toucher, ni entendre un atome isolé... S'il n'en était pas ainsi, si nous étions des organismes suffisamment sensibles pour qu'un seul atome ou même quelques atomes puissent produire une impression perceptible pour nos sens – grand Dieu ! à quoi ressemblerait notre vie ? » [7] Entretenait-il une relation de proximité avec la base du vivant, de tous les êtres de la nature ? Est-ce cette relation intime, proche de la personnification, qui détient la clé ? J'ai exploré cette question par le dyptique créé en 2006 dont le titre ne renvoie rien d'autre à que ce qui est présenté "Branches" et "Bronches".


L'humain peut arrêter ses fictions, ses masturbations mentales, la réalité naturelle est déjà assez complexe. S’agirait-il pour l’homme de se tourner vers lui-même, plus que de projeter sans cesse à l’extérieur ? Les autorités du monde ont toujours inventé des histoires culpabilisantes, édifier de faux paradis remplacés par des programmes de décarbonation culpabisant l'individu. Le corps dans sa base la plus microscopique peut-il devenir objet pour l’esprit aiguisé qui l’observerait ? Y a-t-il un point de rencontre possible ici entre sujet et objet ?


Le déséquilibre occidental ou la prédominance du physique


Combien d’esprits occidentaux interpréteront toutes ces informations comme irrationnelles et mystiques ? Ce même citoyen qui clamera l’écologie tout en subventionnant un monde qui pollue. Chaque citoyen européen, américain, trouvera plus approprié d’aller chez le médecin, pour un échange verbal succin suivi d’une consultation de la respiration, du pouls physique, avec un diagnostic émis qui selon les cas pourra être redirigé parfois vers d’autres disciplines moins généralistes ou bien aboutir à la prescription de médicaments, les rendez-vous peuvent même se passer en visio, via un écran. Chaque discipline se cantonne néanmoins dans l’observation de l’unique dimension physique. Seule la psychanalyse ouvre les portes aux dimensions émotionnelles, mentales. Je me souviens d’une psychologue qui avait souligné ne pas être médecin. Le psychiatre quant à lui le sera, du fait de sa possibilité à prescrire des médicaments. Le chaman amérindien, quant à lui, va réunir en lui ces différentes disciplines et envisager la maladie ou le problème dans une vision globale prenant en compte souvent 7 niveaux de corps et de consciences différents. Ce fait varie en fonction du chaman, de sa propre identité et de ses capacités. Pour lui, quand la maladie est installée dans le corps, il est déjà trop tard pour espérer une guérison, à part si le patient se tourne aussi vers le corps émotionnel, mental, spirituel pour identifier les raisons qui ont causé l’entrée de la maladie dans la dimension physique. Pour le chaman amérindien, quand la maladie s’exprime dans le physique, c’est qu’elle n’a pas été identifiée à temps, sur un autre niveau plus subtil, car invisible et non perceptible par le niveau physique où nos sens sont cantonnés. Nos sens sont-ils assez développés ? Sinon, comment les développer ? Dans les différents graphiques scientifiques, il est commun d’exposer la partie infime de la lumière visible à l’œil de l’humain.


scientific schema outlining the place of what is visible in the electromagnetic spectrum that makes up reality.scientific schema outlining the place of what is visible in the electromagnetic spectrum that makes up reality.

Schéma et positionnement du spectre visible par l'être humain.


On en revient au sujet principal de ce texte : la méditation, outil pour développer sa perception et peut-être accentuer sa sensibilité, tout du moins son ouverture à toutes les dimensions qui nous habitent. C’est Baptiste Morizot qui affirme que la crise écologique est avant tout une crise de la sensibilité. C’est ce type de positionnement que défend mon travail artistique,et y ajoute la conscience, avec un questionnement portant sur les raisons de l’indifférence de l’homme alors qu’il a l’information. Pourquoi le savoir ne suffit-il pas ? Ici intervient la célèbre sentence : « Il faut le voir pour le croire. » Le travail artistique que je développe depuis 2004 a pour objectif une pédagogie qui viendrait compléter un manque dans l’éducation occidentale, quant à notre rapport de soi avec toutes les dimensions qui nous habitent, qu’elles soient microscopiques, physiques, sociales et/ou universelles.



Extrait vidéo "BIo" créée en 2018 par Laure Molina et Eric Wenger


La méditation dans mon travail artistique


La méditation dans mon travail est le guide principal, le premier que j’ai représenté dans une vidéo venant accompagner le regardeur dans le parcours composé de 10 étapes, un cheminement tout autant intérieur que vital, culturel, artistique avec les limites entre disciplines qui disparaissent. L’étape 4 expose la réflexion dans toutes ses dimensions, se fait le témoin des accouplements de l’eau et du soleil, une pratique chamanique par excellence, qui crée l’horizontalité, complétant la verticalité par défaut de l’homme ordinaire. En relation avec l’industrie, des techniques artisanales, artistiques viennent s’y mélanger, pour dépasser le langage institutionnel qui ici fait défaut. L'étape 4 expose à la vision des enchaînements de cause à effet entre trois corps, et revient toujours à la force de l'amour pour créer l'équilibre et ne pas se laisser envahir de dualisme. La dimension du microscopique est surdimensionnée, forcément vulgarisée au travers du concept de la "Structure M".


a viewer who becomes part of the background of the work, thanks to the M structure, and can identify with the tree

Etape 6 - Un spectateur devant une pièce de la série "Pouvoir être arbre" - sublimation d'une photo sur châssis et collage - 2006


Une fois les réflexions établies, la relation avec l’environnement naturel est proposée (étape 5 et 6), un rapprochement de soi à l’arbre, qui mène à une perception non dualiste, donc hors de toute structure occidentale, dont on aurait gardé néanmoins l’industrie, qui détrône sa direction principale économique et politique pour devenir le support de cette mise en relation entre vivants. Une fois l'intégration effectuée, vient la perception où un nouveau "mode être" est proposé, celui de la prise en compte réelle que tout est un calcul de longueur d’onde et de pénétration dans ce potentiel. Ici l'esprit arrête les projections obscures, la culpabilisation de l'autre, la division et le contrôle pour pénétrer dans un potentiel vital insoupçonné. C’est à partir de l’étape 8 que les problématiques sociales sont envisagées, cette étape expose les préférences, les blocages. Quant à l'étape 9, elle propose des solutions,


A person practicing writing and translation. This is a visual from stage 9 of Laure Molina's artistic work, which consists of the following stages

Une personne pratiquant les écritures et traductions de l'étape 9


des traductions permettant à notre activité cérébrale d’interagir et de se détacher des pratiques institutionnelles dictées dès notre naissance, façonnant nos existences. C'est avec cette étape que ce formalise le concept de "Culture de l'irisation" formé de toutes les étapes citées précédemment. Il n’y aura pas de nouveau monde sans remise en question, il n’y aura pas de nouveau monde sans exploration. Voilà le schéma que l’on pourrait proposer à des personnalités politiques qui pensent qu'il faut construire quelque chose de nouveau. Pour moi, le nouveau se positionnerait dans le fond de nos cellules, qui nous mènerait tout autant dans une dimension microscopique qu’universelle, une dimension tout autant physique que subtile, un potentiel créatif qu’il serait peut-être temps d’explorer. Pour cela, il faut s’équilibrer et comme le proposent certaines personnalités éveillées, se purifier, débloquer les mémoires associées au mental, créer de l’espace vide dans le disque dur.

Pour conclure, toutes les interconnexions citées précédemment, entre physique, biologie, méditation et chamanisme, sont le résultat de mes recherches, durant mon séjour entre 1998 et 2004 en Amérique. En trois points de la conquête espagnole, j’ai décidé d’implanter un atelier et créer une exposition ; mon approche du nouveau monde s’est faite en triangle.


carte séjour entre 1998 et 2004 - en trois points de la conquête espagnole


C’est d’ailleurs à la suite de mon séjour en Équateur en 1998, la première étape, que j’ai fait l’expérience de l’Amazonie, et avec elle est née le besoin de méditer, autant par besoin métaphysique que pour ordonner les mémoires en moi. Du haut de mes 21 ans, l’intégration de cette végétation luxuriante a été littéralement renversante. Comme si on transformait mon corps en armoire, en plus de le faire vaciller, éparpillant tout son contenu. Ce séjour a provoqué l’ébranlement de toutes mes fondations occidentales. Ce désordre, proche du chaos, m’a inspirée pour méditer. À peine le besoin émis, l’univers en interaction a répondu à ma demande par l’intermédiaire d’une belle jeune femme, qui m’a partagé l’information du centre Vipassana, un centre autogéré par des bénévoles, que je vous partage aujourd’hui.

Cette « période geyser » que nous avons traversée, celle qui nous accompagne encore, demande un niveau d’énergie tel qu’il est difficile de suivre, et plus que de se précipiter ou de tomber, il est peut-être plus judicieux de s’asseoir pour se mettre en relation avec ce qui nous habite, des forces microscopiques, néanmoins reliées à des forces vitales et cosmiques (reprendre une citation de Hunbatz Men). La méditation est un outil pour comprendre les interactions cérébrales avec les sensations, les vibrations et les mémoires qui résident dans nos cellules. Il est important de découvrir ce niveau microscopique. En faire l’expérience, c’est approcher le plus profond de notre identité, la base de la physique, ce qu’on appelle l’énergie, composée d’une telle richesse ; en parler, c’est forcément la vulgariser.

Je l’ai d’ailleurs symbolisée dans les étapes 4 et 6 grâce à un disque compact que j’ai répété pour que plusieurs CD créent une structure.


this is a work from stage 4 of Laure Molina's artistic work. Its title is “théorie M”, creating a bridge between art and science.

Etape 4 - "Théorie M" 2004 - 120x120cm - Technique mixte


Cet objet, presque en fin de vie industrielle, m’a permis de vulgariser ce qu’on appelle la cellule et de la présenter comme un objet où l’on peut glisser de l’information, autant que lire l’information et nous mener à différents mondes. Le jeu étant d’explorer les limites entre dimension physique, dimension virtuelle et dimension technologique. Revisiter les mémoires, les diriger vers une autre dimension de soi, ne plus avoir d’échelle, mais faire l’expérience des différentes mesures, permet de libérer de la place dans le disque dur, de laisser échapper la vapeur de la cocotte-minute peut-être trop remplie. D’ailleurs, plusieurs pièces de ces séries retracent le mouvement vibratoire, la relation avec l’émotion et le cellulaire. Tout ce travail a été élaboré entre 2004 et 2010, pendant qu’en parallèle, la science élaborait depuis longtemps de nouvelles fonctions pour les cellules, l’ARN messager. Mon message alors évoquait de ce que j’appelle la « structure M », le message d’aimer ces cellules, de s’y intégrer. Il n’a jamais été appuyé par la critique, ni même perçu, il s’est dilué, quand le monde, la sphère politique a pris une autre direction, celle de ne pas valoriser un monde inconnu, qu’il pourrait avoir envie de connaître, mais qui s’est soldé par le choix de la peur, de l’obscurantisme. Continuons la manipulation de nouvelles fonctions, et en 2021, le monde sera devenu un vaste laboratoire.

Après avoir évoqué la méditation et l’approche du corps comme une machinerie, on peut aussi relier la méditation au jardinage. La terre serait remplacée par notre chair, la substance du physique. La pelle ou la pioche serait la volonté, la main celle qui tient le ceveau… Le ver de terre qui chemine dans la terre serait la vibration émotionnelle, les cailloux trouvés des vibrations nouées ensemble, figées pour devenir densité. Les plantes à épine seraient nos peurs, nos défenses, les plantes envahissantes pourraient être nos obsessions, notre volonté de tout contrôler. N'est ce pas Voltaire qui évoquait qu’il fallait cultiver son jardin ? Quelle serait l'image de notre jardin après la période Covid ? Il est intéressant de noter que l’usage du mot rejoint cette double approche, culture de la terre, culture comme sphère de l’identité ; travail sur soi et travail de la terre se rejoindraient-ils ?

Conclusion utopique


Une spécialité humaine, pour celui qui n’explore pas, est de diviser, sûrement pour mieux régner, mais n’est-il pas temps de créer des points de jonction ? Comme ces chamans qui rencontrent les scientifiques de l’Occident, comme le rationnel qui semble avoir atteint ses limites et devrait se remettre en question. La méditation est un outil pour accompagner cette période geyser que nous vivons, pour pallier le trou que les sphères politiques pratiquent sans mesure ni conséquence. Le dernier guide élaboré dans mon travail artistique, la vidéo Bio créée en 2018 en collaboration avec Éric Wenger, permet d’introduire l’idée que les réalités sont multiples, les strates si nombreuses, qu’il est difficile dans cette réalité compliquée de définir des vérités absolues. En revanche, il existe des outils pour aiguiser sa perception, nettoyer ses antennes et anticiper. Ils nous permettent de faire des choix en conséquence de causes, à chaque action entreprise on peut comprendre le réseau d’interconnexions qui la responsabilise.

Aujourd’hui, il s’agit de définir si le rationnel est bien positionné du côté des sociétés occidentales. À voir s’il faut remettre en question le positionnement de la Renaissance, explorer les limites de la science, les définir, les communiquer, les envisager au niveau national autant qu’international. Il nous faut comprendre ce qui crée le déséquilibre identitaire et dans un même temps, connaître et explorer ce qui au contraire crée l’équilibre et la mesure. Est-ce que la science est un autre subterfuge de remplacement de la religion ? L’une est dominante, l’autre l’a été. Dans l’histoire, les sphères ont leur suprématie, puis sont contredites, pour être un jour perçues comme dépassées, après avoir généré des siècles d’obligations et de dominations en tout genre, avec un air général de culpabilité propre à l’homme de l’Occident. Y a-t-il un moyen de sortir de la contradiction et des dualismes en tout genre ? Cette question est importante. Mon travail artistique explore cette question. Basarab Nicolescu, physicien et philosophe, aborde un questionnement identique dans son ouvrage Qu’est-ce la Réalité ? et explore ce qu’il appelle « le tiers inclus » en se basant sur les recherches du biologiste Lupasco [7].

À un niveau personnel, la méditation est un outil, mais comment passer de cette sphère de l’individu au collectif ? Comment développer une société qui n’appliquerait pas des suprématies des disciplines sur l’une et l’autre, comme la politique sur la science ou sur la culture ? La société qu’Hunbatz Men décrit dans son ouvrage Religion et Science Maya a-t-elle vraiment existé ? Cet auteur évoque une société qui n’était pas divisée. Dans le titre de son ouvrage sont réunies deux sphères qui ont été divisées, du fait que l’une déclarait des réalités absolues, déclarées fausses avec le temps par l’autre, laquelle semble à son tour répéter les mêmes erreurs. Est-il possible de développer une société où toutes les sphères seraient égales et se concerteraient entre elles, toujours en position relative ? Qu’est-ce que nous amènerait une direction et concertation commune ? Sont-elles d’ailleurs possibles ? Celle de la culture maya, de réunir les intentions humaines avec celles de l’univers, a-t-elle un sens ? Où cela l’a-t-elle menée ? Nous savons peu de chose de cette civilisation, qui s’entoure de bien des mystères à plusieurs égards. La violence des conquêtes nous a fait perdre tout espoir de l’appréhender, mais depuis une cinquantaine d’années, les détenteurs des clefs partagent des pistes, tout en proposant des écoles de purification. Certains principes, disent-ils, doivent rester secrets, tant l’homme pourrait les utiliser à mauvais escient. Aujourd’hui, l’esprit dualiste, voire arriéré, des Occidentaux, en empêche l’accès. J’ai entendu Marc Auger affirmer que ces cultures n’avaient que peu d’intérêt du fait des pratiques de rituels et sacrifices auxquelles on les résume, comme si nos propres cultures étaient résumées aux pendaisons de la place publique des époques royalistes. Récemment encore, une personne m’écoutant parler de l’ouvrage d’Hunbatz Men levait les yeux au ciel en proférant que les cultures d’Amérique centrale étaient des cultures essentiellement orales. Est-ce que l’invention de l’imprimerie ou de l’écriture a empêché notre société d’aujourd’hui d’évoluer vers le numérique et le digital ? Les barrières mentales nous empêcheront toujours de percevoir l’autre à sa juste valeur ou à son juste niveau, de résonner avec dans l’instantanéité. Tout comme l’humain projette ses besoins sur l’extérieur en vue de sa manipulation et de son contrôle, il appréhende souvent ses congénères de la même manière. La méditation peut être perçue comme un outil pour se relier à cette porte ouverte sur l’inconnu, sur les autres qui nous habitent, de participer aux flux incessants qui composent la vie autant à l’intérieur qu’à l’extérieur, de rendre le quotidien, le plus infime, aussi excitant que le serait l’objet le plus sublime de nos machines désirantes, pour reprendre l’expression de Guattari.

 Je rêve d’un moment où les 8 milliards que nous sommes s’assiéraient, stopperaient toute obligation professionnelle et exigeraient de la réflexion avant leurs actions, de la communication entre tous, autant à un niveau national qu’international, où il y aurait ce moment de méditation qui pourrait tout transformer. Il est clair que de nombreux points montrent que le collectif n’amènera pas le changement, que l’environnement trop complexe empêchera le niveau de conscience espéré. Il reste le développement personnel, dont la méditation est un outil, pour créer de la fluidité dans ce que nous sommes, pour améliorer notre sensibilité, aiguiser notre esprit, créer de l’espace pour que chacun puisse recevoir les idées, l’intuition nécessaire au développement d’une société plus juste pour l’ensemble du vivant. L'intuition et la clairvoyance pourraient découler de la méditation, et devraient être les compétences de chacun. La méditation peut-elle unir notre conscience à l’échelle du monde vivant microscopique ? Qu’apprendrait-on si nous pouvions être reliés à ce monde ? Je finirai par Edgar Morin que je célèbre du haut de son grand âge. Selon lui, il y a deux sortes d’utopies et certaines mériteraient d’être réalisables.[8] Je suis en accord avec lui quand il dit : « Nous pouvons également espérer dans les possibilités cérébrales de l’être humain qui sont encore en très grande partie inexploitées : l’esprit humain pourrait développer des aptitudes encore inconnues de l’intelligence, la compréhension, la créativité. Comme les possibilités sociales sont en relation avec les possibilités cérébrales, nul ne peut assurer que nos sociétés aient épuisé leurs possibilités d’amélioration et de transformation et que nous soyons arrivés à la fin de l’Histoire… »[9].


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[2] Vidéo Méditation de Laure Molina – 2004 – https://youtu.be/QHRxVFmkamo

[4] Le chamanisme et les techniques archaïques de l’extase, Paris, Payot, Bibliothèque scientifique, 1950 ; 2e édition revue et augmentée, 1968 ; Payothèque, 1978. (ISBN 2-228-50101-8)

[5] Vidéo Bio

Science et Religion Maya, Hunbatz Men – édition du 7 – 1998

[6] « Qu’est-ce que la vie ? » – Erwin Schrödinger, p. 40-41, Éditions Points.

[7] Qu’est-ce que la réalité ? – Basarab Nicolescu, Éditions Liber Québec, 2009, p. 23. La réalité possède donc, selon Lupasco, une structure ternaire. Dans l’analyse scientifique d’un système physique, biologique, sociologique ou psychique, nous devons certainement chercher à mettre en évidence son antisystème, son système contradictoire (et la science est riche en trouvailles de ces antisystèmes). Mais un travail autrement plus délicat est nécessaire pour la mise en évidence de cet évanescent troisième terme dans lequel se trouve l’état T d’équilibre rigoureux entre les contradictoires.

[9] Edgar Morin, Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, p. 90, Éditions Points, 2015.


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